a propos …
Les confinements et les couvre-feux dus à la crise sanitaire ont impacté notre conception du temps qui passe. Il a fallu échapper au temps réel de la pandémie pour survivre, déjouer les contraintes temporelles pour continuer à vivre tout simplement. Il fallait avant tout lâcher prise avec le temps régulé afin de nous propulser dans la durée non-régulée de la rêverie, un temps plus propice à la création et à la fabrication d’images.
Ainsi nous pouvions accéder au temps plus souple des songeries, au temps poétique des mythes et des contes. « Il était une fois … » nous invite à oublier la mesure en nous plongeant dans la démesure. Le temps n’est plus compté, seul les cycles, le tempo et les cadences mènent la danse. Les coups de minuit, les trois coups, tous les coups sont permis à condition de nous laisser transporter vers des mondes imaginaires, des jardins enchantés, des pays des merveilles.
Il a fallu d’abord se libérer du temps réel en divisant le néant en zones de nuit et en zones de jour, y déposer des astres, des lunes, des soleils pour conjuguer l’univers. Métaphore de la création du monde, la séparation de l’ombre et de la lumière est également synonyme de toute création visuelle. Se laisser emporter par la plasticité des mythes fondateurs me permet de mettre en scène des personnages singuliers dans des paysages imaginaires avec une liberté totale, tout en poursuivant ma quête d’un univers pictural rythmé par la couleur.
Adele Mosonyi
Juin 2022
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Creuser dans les mythes et les contes de tous les temps pour sonder leur poésie interne :
Naviguer à travers rêves, rires et larmes humains, tanguer au rythme des errances de l’esprit, jeter l’ancre sur les rivages du passé pour mieux cerner le présent, accompagner des personnages fabuleux sur un bout de leur chemin, puis creuser afin de découvrir les lieux enfouis de nos convergences en dépit de nos divergences …
Portée par une curiosité vagabonde souvent comblée par des moments d’enchantement depuis l’enfance, je voudrais que des yeux d’enfant accompagnent les envols de mon esprit tout au long de mes quêtes picturales.
Le monde s’est toujours donné à moi sous forme d’embryon de tableau :
A l’intérieur de chez moi les livres mènent une dance jazzy le long des étagères de la
bibliothèque, et sur les ombres du rideau de la chambre bleue se dessinent, la nuit ou au petit matin, les têtes de personnages, tandis qu’à l’extérieur, les toits se transforment en lieux de récréation où les cheminées retracent la ronde des ‘putains’, les antennes s’érigent en potence des ‘pendus’.
Depuis l’enfance au cœur de Manhattan, le paysage urbain est devenu le théâtre de mon
imaginaire, scènes de jour, scènes de nuit, en mouvement perpétuel la ville se raconte à travers ses débris de murs et au sein de ses chantiers.
Née au bord de la mer du Nord, bercée par le son des mouettes, je retrouve à présent, ce chant rauque auprès des goélands sur les galets de la Manche. C’est désormais sur les falaises de Puys que les personnages se sculptent en creux et en bosse, au rythme des marées et des vagues à l’âme, des êtres hybrides et polymorphes qui me suivent puis se transforment en personnages principaux de mes récits partout où je vais, en prenant possession de mon espace pictural à jamais.
A la recherche d’une synthèse plastique au cœur d’une figuration plutôt narrative, les fables revisitées me procurent ainsi une liberté quasi-totale sur le plan formel et esthétique.
En quête d’une dynamique des pulsions humaines portée par des lignes et des couleurs, guidée par un motif qui s’impose, l’éclosion de la forme se fait en mouvement continu ; au fur et à mesure qu’elle se dessine dans la matrice du gestuel, la ligne tente de s’accorder aux résonances chromatiques.
Jeu de formes et de couleurs poursuivi par les lignes, la composition finit par s’installer d’elle-même après quelques ébauches au préalable. Reste la sérialisation pour aller au bout d’une thématique, qui engendre d’autres champs de possible sur le plan pictural. On retrouve des ‘pendus’ dans mes ‘chantiers’, des ‘méduses’ sur mes ‘murs’, des ‘gorgones’ engendrées par des ‘putains’, et ainsi de suite.
L’essentiel c’est de saisir l’instant où les yeux, la main, l’esprit s’entendent, des moments rares et fugaces où l’artisan s’oublie, le labeur s’efface et l’ouvrage se métamorphose en tableau.
Adele Mosonyi
Décembre 2017